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Je suis un homme, je suis fort et je n’ai pas de problèmes. Qu’est-ce qui m’arrive alors?

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Vivre et (surmonter) un épisode de troubles anxieux

Nous sommes au début de 2014.

Tout commence par un serrement matinal dans la poitrine, subtil, à peine perceptible, mais résolument déterminé à prendre sa place et à croître.

Un sentiment d’inconfort difficile à décrire. Pourquoi est-ce que je me sens ainsi?

Oui, j’ai beaucoup de pression au travail. (Comme beaucoup de gens.)
Oui, mon couple bat dangereusement de l’aile. (Ça va s’arranger.)
Oui, j’ai parfois l’impression de ne pas être à la hauteur. (À la hauteur de quoi? Je ne sais pas.)

Mais rien de tout ça n’est problématique. C’est normal. Je suis fort, fier et capable de surmonter les défis du quotidien en claquant des doigts.

Je me suis construit ma propre masculinité au fil du temps, sans modèle masculin.
Je viens d’une famille monoparentale.
J’étais parmi les premiers de classe.
J’ai commencé à faire des compétitions de natation à 16 ans alors que je savais à peine nager et j’ai réussi à bien performer après quelques mois de dur labeur.
J’ai fait des études universitaires en payant moi-même mes dépenses.
Je suis retourné à l’école à 25 ans pour devenir pompier et j’étais le seul gai parmi 100 étudiants.
J’ai été journaliste en direct à la télé.
Je change d’emploi presque tous les deux ans parce que j’ai besoin de nouveaux défis.
J’ai fait deux missions humanitaires en Afrique.
J’ai été porte-parole d’enjeux complexes dans des entreprises hautement médiatisés.

La pression me connaît, et je la connais tout autant. Je l’aime même. Je l’ai apprivoisée. J’y carbure. Je me nourris de défis et de performance. J’en ai tellement vu d’autres…

Je suis seulement un peu fatigué. C’est normal. Ça va passer.

Les mois se suivent et se ressemblent.

Ça ne passe pas. Ça prend de l’ampleur. Je deviens facilement irritable.

Mes week-ends ne suffisent plus à me permettre de décrocher et de me reposer.

Je suis de moins en moins heureux au travail. Je sens que la relation avec mon copain vit ses derniers souffles.

Le sentiment d’anxiété matinal est bien ancré dans ma réalité et se manifeste parfois à d’autres moments de la journée.

Je continue de sourire. Je réponds que je vais bien.

Intérieurement, je focalise sur le pourquoi de ce sentiment si désagréable.

Je ne comprends pas. Je ne suis pas de ceux qui ont des problèmes de ce genre, voyons donc.

Pendant ce temps, sournoisement, l’anxiété s’installe et prend ses aises comme de la visite lointaine qu’on n’a pas envie de voir.

Et un beau jour…

Plus de six mois plus tard, donc plus de 180 matins plus tard, je décide d’aller voir un médecin.

Il me recommande des médicaments pour soulager l’anxiété devenue presque insoutenable.

Je dis non. Pas pour moi. Bien sûr que non.

Toutefois, je vais voir un psychologue. Ça ne peut pas nuire. Une rencontre aux deux semaines. Je ventile un peu, ça fait du bien, mais ça ne fait pas de miracles.

Mes rencontres cessent. L’anxiété demeure.

Quelques mois et trois rendez-vous chez le médecin plus tard, j’accepte finalement de prendre un médicament momentanément.

Il a presque fallu qu’il me torde un bras.

Puis, je me recommence à voir un professionnel en qui j’ai davantage confiance.

Les mois passent, les matins passent. Ça va mieux, peu à peu.

Certains matins, l’anxiété n’est presque plus là. D’autres matins, oui.

C’est en dents de scie, mais tu sais au fond de toi qu’à chaque jour qui passe, tu te rapproches d’un état de bien-être dont tu avais presque oublié l’existence.

Et un beau jour, tu réalises que tout ça est derrière toi. Et tu souris.

Une question de perception

Plus d’un an après cet épisode difficile de troubles anxieux, il m’arrive de raconter à quelques amis proches comment je me suis senti.

Ils sont toujours surpris : « Jamais je n’aurais pensé que tu vivais tout ça. Tu avais tellement toujours l’air fort et en contrôle », me disent-ils.

Je sais, c’est peut-être justement ça la cause du problème vécu.

Je ne cherche plus à comprendre le pourquoi. J’ai lâché prise. Le pourquoi n’est pas essentiel.

Ce qui m’intéresse maintenant est le comment.

Comment changer des choses dans ma vie pour faire en sorte que ça ne se reproduise plus.

Comment lâcher prise, comment avoir confiance, comment accepter de ne pas avoir le contrôle sur tout, comment carburer aux défis tout en se prenant avec douceur, comment être son meilleur ami…

Je suis naturellement plus calme et plus heureux.

J’aime encore la pression et les défis, mais je les gère mieux.

Je prends bien soin de moi. Je mange mieux. Je m’entraîne régulièrement, mais quand je n’en ai pas envie, je laisse tomber le sport sans me sentir coupable.

Je profite du temps avec mes amis et j’essaie de voir ma famille quand c’est possible.

Je me fais plaisir le plus souvent possible tout en continuant de penser aux autres.

Que de chemin parcouru depuis cet épisode…

Nous sommes tous la somme de nos expériences passées. Je sens que cela m’a fait grandir.

La sacro-sainte fierté de l’homme

En novembre 2015, à titre d’ambassadeur bénévole de la Fondation Movember Canada – dont la mission consiste à financer la recherche et à sensibiliser les hommes à prendre soin de leur santé physique et mentale – j’ai accepté de partager mon histoire afin de lancer un message à mes comparses masculins.

Demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, mais un signe de force.

Vivre des problèmes de santé mentale peut arriver à tout le monde.

Il faut vaincre les tenaces préjugés.

J’ai reçu plusieurs messages d’hommes qui m’ont avoué que mon message les avaient incités à aller chercher de l’aide, à parler de leurs problèmes avec leurs proches ou des professionnels.

Avec ce témoignage, si une seule personne peut se sentir mieux en m’ayant lu, mon objectif sera atteint.

Prends soin de toi.

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