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La chenille et le papillon

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La chenille

Je me rappelle bien peu de mon état d’esprit d’avant la grande noirceur.

On me dit que j’étais plus simple, moins compliquée.

Était-ce seulement le fait de ne pas avoir d’enfants? Étais-ce seulement le fait d’avoir le nez rivé sur ma feuille, telle une chenille, sans crainte ni souci en l’avenir?

Le cocon

Je n’ai plus souvenir du jour exact où les couleurs se sont doucement estompées, que le soleil se fit moins présent.

Je me souviens seulement que dès l’arrivée de mon petit ange, pas plus grand qu’un pépin de raisin dans mon ventre, la vie me semblait déjà beaucoup moins légère.

Je me sentais si mal de ne pas vivre la joie promise. Je murmurais à la petite étincelle dans mon ventre, qu’elle n’avait rien à voir au mal-être qui m’habitait. Qu’elle n’y était pour rien.

C’est ainsi, tout doucement que les nuages ont pris places dans ma vie. Par la grande porte des hormones de grossesse.

Le post-partum a suivi. Les  nuages se sont faits lourds.

Tous les jours, je sortais marcher avec mon bébé. Tous les jours, je pleurais durant les préparatifs. Devant le défi que représentait de sortir au monde.

Je sortais finalement, au bout de moi, de l’éternité. Je marchais comme si ma vie en dépendait. Elle en dépendait!

Cette routine, douloureuse mais salvatrice, m’a remise sur pied.

Un jour, l’air sentait bon. Le jour suivant, le chant d’un oiseau illuminait ma vie un court instant.

J’ai vu le soleil du jour durant quelques mois.

Mon deuxième ange a fait son nid dans mon ventre. Les nuages sont revenus. Plus noirs, plus lourds.

Elle est venue au monde et le post-partum a suivi. Long et difficile.

Les nuits d’insomnie à rêver au pire. Les jours à ne plus sentir la vie couler dans les veines, vannée.

La vie me quitte, l’énergie vitale glisse de mon corps. Je suis en mode survie.

Je concentre tout ce qu’il me reste d’énergie pour ne pas laisser tomber mes clients. Je travaille pour le DPJ. Je ne me donne pas le droit de laisser tomber les familles.

Je me donne sans compter. Je ne lâche pas.

Je me lâche moi.

Je me sentais si mal de ne pas vivre la joie promise. Je murmurais à la petite étincelle dans mon ventre, qu’elle n’avait rien à voir au mal-être qui m’habitait. Qu’elle n’y était pour rien.

Je ne dors plus. Mon corps n’a plus la force de dormir.

Je croise le miroir un matin. Le reflet qu’il me renvoie me dégoûte. Je me vois et me vois pas.

Je vois un corps que je déteste. Je le déteste tant que le cœur monte. Je vomis presque.

J’évite le miroir dès ce jour.

Le matin, la routine. Maintenir la routine!

Sourire aux étrangers. Faire à manger pour mes filles. Parler, habiller, sortir.

Mon corps est là. Je suis au-dessus. Je me sens engourdie. Mon corps et moi, nous faisons chambre à part. Ça fait moins mal.

Je m’observe étendue sur le canapé, dévastée, sans vie. Mon mari qui fait le souper pour les filles. Je mange. Je retourne sans vie sur le canapé.

Je ne dors plus. Mes yeux se ferment, exigent le repos.

La voiture continue sa route.

Je vois mes filles dans mes paupières, que j’ouvre alors instantanément.

Mes filles. Ma vie!

Trois secondes.

Trois secondes où ma vie ne tenait qu’à un fil.

Plusieurs matins, plusieurs soirs. Les yeux me ferment 3 secondes sur l’autoroute 10.

Je ne voulais pas mourir. Je voulais fermer les yeux.

Fermer et dormir, avant le travail. Fermer et ne plus sentir le poids sur ma poitrine, avant le retour à la maison.

Le feu dans mes yeux. Les larmes dans mon âme. Je me noie dans mes larmes. Voilà.

Un jour c’est trop. Mon mari me demande pour la survie de tous, de consulter.

Je vais voir le médecin. Je veux dormir. Je veux des médicaments pour dormir.

Juste ça.

J’y reviens avec un diagnostic et une prescription. Dépression majeure.

Je vais prendre un mois à accepter cette idée.

Moi la travailleuse sociale, en dépression majeure.

Un mois à chercher pourquoi. Moi qui a tout pour VIVRE le bonheur parfait.

Le papillon

Je prends la médication. Je vais voir mon psy.

Chaque jour je sors dans mon jardin, dans mes plates-bandes. Je ne vais plus marcher comme autrefois. Je vais semer des fleurs.

Mettre de la couleur, de la vie autour de ma maison.

Chaque jour pendant trois mois, je sors dehors sous la pluie et le soleil. Je prends soin de mon jardin. Je vais jogger.

À la fin, mon jardin est immense et il y a des fleurs partout, même dans mon âme.

Le miroir redevient presque mon ami.

Chaque jour, un souffle, un rayon de soleil se rend à mon coeur. Chaque jour, mes pas se font moins lourds.

J’ai encore des jours de grandes noirceurs.

Je sors alors dehors et m’assois. J’observe et écris la vie pour la ramener à moi.

Je réapprends à voler. Mes ailes se déploient lentement.

Je le sens, ma vie commence enfin.

Depuis que je décolle mon regard de la feuille, j’aperçois les possibles à l’horizon. Les vents et les courants.

Déployer mes ailes et me laisser flotter sur la vie. Faire un avec elle. Voir le large, si loin.

Ça fait peur, ça fait vibrer! Ça garde en vie!

Depuis près de trois ans, je vole.

Aujourd’hui, je reconnais la dépression. Au moindre signe de son retour, je me retourne et prend un autre chemin.

Je me choisis.

Je ne m’abandonnerai plus. Je vais chercher l’aide dès que mon souffle ne repousse plus les nuages.

La santé mentale est un aspect de ma vie, mais ce n’est pas MA vie.

La dépression m’a permis de me connaitre plus que jamais.

Je suis plus en VIE qu’avant.

Malgré que je sois aujourd’hui moins simple, plus compliquée.

Maintenant, j’assume toutes les nuances qu’est de VIVRE, de l’ombre à la lumière.

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