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Mon parcours d’anxieuse

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Avant de commencer mon témoignage, j’aimerais spécifier que ce sont les grandes lignes des moments les plus noirs de ma courte vie. Je n’ai pas l’audace de me qualifier d’une personne « ne l’ayant pas eu facile » parce qu’au contraire, je suis choyée. Par contre, dans chaque histoire il y a un « mais », et voici le mien.

Du plus loin que je me souvienne, je pleurais. J’allais voir ma mère en pleurant parce que j’avais vraiment peur de vomir. Tout par rapport à vomir me tourmentait. Autant un ami malade que quelqu’un à la télévision mentionnant cette réaction du corps humain. Nous (ma famille et mes nombreux médecins) n’avons jamais su l’élément déclencheur de cette phobie, mais aujourd’hui ce n’est plus important.

Je ne me contrôlais pas. Je pleurais à tout endroit et à n’importe quel moment de la journée. Parfois la nuit, où je tenais mes parents hors du lit. Parfois à l’école. Ce qui me valut de vivre une chose horrible : l’intimidation. Mon surnom était Madame « qui-a-peur-du-vomi ». Bien sûr, je ne me défendais pas parce que je croyais sincèrement être cette fillette peureuse qui ne pouvait se contrôler.

J’ai commencé à voir une psychiatre dès l’âge de 6 ou 7 ans. C’est à ce moment qu’un premier diagnostic est apparu : anxiété. J’étais enfin capable de dire aux copains à l’école que ce n’était pas ma faute, mais bien celle des petits soldats qui ne faisaient pas leur travail dans mon cerveau, du moins, selon la docteure.

Malheureusement, au début des années 2000 et dans une région éloignée du Québec, personne n’avait jamais vu ça. Ça n’existait pas. Les fous c’était bon pour l’asile. Les enfants ne le comprenaient pas et certains adultes non plus. J’ai eu une enseignante d’éducation physique qui ne faisait aucun effort à mon endroit et qui aimait bien me ridiculiser devant les élèves. Un jour, je ne voulais plus marcher pour aller au terrain de tennis, la sortie de la semaine que tout le monde attendait avec impatience. Je n’avançais plus. J’étais en pleine attaque de panique. Au lieu de me rassurer, elle m’a chicané et toute la classe est retournée à l’école « à cause de Charlotte ». C’était désormais l’enfer.

Je me souviens que c’était noir dans ma tête et je me disais souvent à quel point j’étais mieux morte. Au plus creux, je me souviens d’avoir dit à mon psychiatre que j’étais probablement un fardeau pour mes parents. J’étais si mal que je m’automutilais. Pas parce que j’en sentais le besoin, mais parce que j’avais l’impression de ne pas être prise au sérieux.

Le milieu de mon primaire fut mieux. J’étais médicamentée et j’avais une enseignante incroyable. J’ai même pu aller en France avec mes parents! Vers la fin du primaire, mon père et ma mère prirent la décision de déménager dans une autre ville. Mes parents aiment bien changer de place et connaitre des nouvelles choses. Moi j’étais dans mon petit cocon tranquille. J’avais même arrêté la médication.

L’anxiété est revenue en force. J’ai cessé de manger pendant plusieurs mois durant le déménagement. J’étais un squelette et je passais mes journées avec la tête qui tournait. Mais pas question d’avaler quoi que ce soit sauf si j’étais chez moi, le soir sans que rien ni personne me dérange. J’avais bien trop peur de vomir!

Le courage de mes parents est incroyable. Je les ai vus faire des pieds et des mains pour me ramener à la réalité et essayer de trouver un peu d’aide médicale. En commençant le secondaire dans ma nouvelle école, je m’étais juré de ne rien dire à personne à propos de mon anxiété. Je devais le garder pour moi. C’était mon jardin secret comme disait ma mère. Sauf que j’avais peur de revivre le même calvaire qu’au primaire. Dès que j’ai commencé à fréquenter des nouvelles amies, la guérison à cette période fût plus rapide. J’avais envie de m’intégrer et tout se passa à merveille.

À la fin du 3e secondaire, nous avons dû déménager à Montréal. Les trois dernières années s’était relativement bien déroulées. Quelques épisodes d’anxiété mais j’avais toujours mes amies et même un amoureux. En arrivant à Montréal, j’avais décidé d’être quelqu’un! J’étais retourné aux médicaments pour bien affronter le changement. Je voulais qu’on me remarque, moi la petite fille de la campagne dans la grande ville. J’ai imposé aux gens une attitude condescendante. J’avais l’air d’une fille bien au-dessus de ses moyens. J’ai coupé contact avec mes amies et mon amoureux. J’étais rendu ailleurs. Mais ce n’était pas moi et la réalité m’a vite rattrapée.

Du jour au lendemain, je ne pouvais plus me rendre à l’école. J’étais figé dans l’entrée de l’appartement et je pleurais, comme lorsque j’avais 5 ans. J’ai été retiré de l’école pendant plus d’un mois et on m’a diagnostiquée dépressive. Je me souviens que c’était noir dans ma tête et je me disais souvent à quel point j’étais mieux morte. Au plus creux, je me souviens d’avoir dit à mon psychiatre que j’étais probablement un fardeau pour mes parents. J’étais si mal que je m’automutilais. Pas parce que j’en sentais le besoin, mais parce que j’avais l’impression de ne pas être prise au sérieux.

Quand je repense à mon adolescence, je me dis que c’est loin d’être un film américain. Je n’avais plus aucune estime de moi. J’avais misé sur mon physique pour me faire des amis. J’étais jolie et je n’avais pas froid aux yeux, mais ce n’était qu’une façade.

Mon retour graduel à l’école a été teinté de beaucoup de rechutes, mais j’y suis parvenu et plusieurs mois plus tard, je tenais enfin mon diplôme de secondaire que je méritais amplement. C’était le temps de devenir une adulte! Le passage à ma 18e année m’a effrayée au plus haut point. Les envies de suicide sont même revenues et je n’ai pas pu compléter ma deuxième session au CEGEP. Je n’avais pas de but dans la vie. Je ne savais pas comment être heureuse.

En fait, oui. J’avais bien une passion et je n’ai pas cherché longtemps. Les animaux c’est toute ma vie. Une passion incommensurable depuis ma tendre enfance. J’ai repris des cours et travaillé très fort pour pouvoir accéder à une technique au CEGEP. Cela m’a pris 3 ans et un refus, pour enfin accéder à mon rêve en 2015 : celui d’étudier en santé animale. Pour y parvenir, j’ai enfin décidé de faire une thérapie cognitivo-comportementale. On me l’avait souvent proposé, mais j’avais toujours refusé. Je devais me prendre en main! C’est à cette période que j’ai enfin reçu mon diagnostic final : trouble panique avec agoraphobie et tendance dépressive.

Aujourd’hui, je poursuis mon rêve et vis avec ma maladie mentale. Je tente de me faire une place dans le grand monde des adultes et ce n’est pas de tout repos. Je combats encore parfois, à l’aide d’anxiolytique, ma maladie mentale, mais souvent, je vis avec elle.

La vie n’est pas rose, mais elle n’est pas noire non plus.

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