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Quand manger fait mal

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Ça arrive sournoisement. Ça ne cogne pas à ta porte un matin pour t’avertir.

Non. En fait ça arrive tranquillement sans que tu t’en aperçoive.

Pourtant, elle envoie plusieurs signaux subtils, mais souvent on ignore tout.

Quand j’y repense, elle a fait son apparition alors que j’étais au secondaire.  Je devais avoir entre 11 et 12 ans.

Déjà, à cet âge, mon poids et mon apparence occupaient une place importante dans ma vie. Je me souviens ne pas avoir mangé beaucoup à cette époque et maigrir.

Et j’aimais ça !

J’aimais le contrôle que j’avais sur mon corps. Je maigrissais et je me trouvais belle.

L’épisode n’a pas duré très longtemps. J’avais tenté de me faire vomir à quelques reprises, mais j’avais repris le contrôle en quelque sorte.

En fait, c’est ce que je croyais !

Puis vint le jour où je me suis intéressée au domaine de la mode, des défilés et de la photographie.

J’avais ce but qui était de faire mon apparition dans le milieu du mannequinat. J’ai fait partie de deux agences durant mon parcours scolaire. Ce fût des expériences inoubliables. Je continue d’ailleurs à faire quelques séances photos encore aujourd’hui.

Comme vous vous en doutez, ce milieu est loin d’être sain en ce qui a trait aux troubles alimentaires.

J’ai fait de nombreuses séances photos et plusieurs défilés au cours de ces années. Je me rappelle lors d’un essayage pour un défilé, les robes ne me faisaient pas et j’en avais essayé plusieurs.

La dame responsable s’était alors exclamé : « Mon Dieu ! Il appelle ça « Mannequin » ? Tu as beaucoup trop de formes et de hanches, ça ne fonctionne pas ! ».

Nul besoin de vous expliquer la gêne et la tristesse qui m’habitaient à ce moment-là.

J’ai continué a essuyer quelques remarques déplaisantes du genre durant mon parcours. Ça m’a mené souvent à me comparer aux autres, me trouver moche et beaucoup trop grosse.

J’ouvre une petite parenthèse ici pour simplement vous dire de faire attention à vos paroles. Parfois, elles sont destructrices. Un simple « Me semble que t’as pris du poids ? » peut blesser et détruire. Soyez vigilant.

Les troubles alimentaires sont des maladies mentales graves et non pas des choix de vie ! 

J’ai par la suite commencé à collectionner les abonnements dans les centres de conditionnement physique. Lorsque je sautais un entraînement la culpabilité embarquait.

Après quelques années, j’ai décidé, par choix, de quitter les agences et d’arrêter les défilés.

Durant tout mon parcours scolaire et celui de jeune adulte, j’ai toujours fait attention à mes portions. J’ai souvent, et je dirais même tout le temps, tombé dans l’excès.

Je me faisais des programmes d’entraînements où j’allais m’entraîner à tous les jours sans exception durant des heures. Je n’ai jamais bien mangé, je n’ai jamais donné suffisamment de nutriments à mon corps pour qu’il fonctionne comme il se doit. Mon poids a toujours joué au yo-yo.

Perdre 20 livres. Reprendre 10 livres. Perdre 15 livres. Reprendre 5 livres.

J’ai dû jeter ma balance à la poubelle car il arrivait souvent que je me pèse plus de 6 fois par jour. Même encore aujourd’hui, lorsque je vois une balance je ne peux m’empêcher de me peser en cachette. C’est une obsession !

Aujourd’hui, cette maladie reste encore pour moi très difficile à gérer.

J’ai fait la découverte de mon diagnostic récemment. J’ai toujours su que quelque chose clochait, mais je ne croyais pas être prise avec ce trouble.

En cette période de ma vie, ce sont plutôt les crises boulimiques et l’hyperphagie qui est au rendez-vous. Un méchant cocktail !

Pour ceux qui ont fait la lecture de mes articles précédents, vous savez que c’est un peu le bordel dans ma vie présentement et que j’essaie d’y remettre de l’ordre.

Quand tout ça devient trop lourd à gérer, je prends panique et je tombe dans l’excès de nourriture. Ça me réconforte, ça me fait du bien … pour le temps que ça dure.

La grosse affaire : poutine, chips, bonbons, chocolat, popcorn, etc. Tout y passe ! C’est une orgie de bouffe. Mon ventre est plein ? Ce n’est pas grave, je dois continuer. Ça bouche le vide que j’ai à l’intérieur.

Puis viens la culpabilité, les remords et le mal-être. On se sent horrible, dégueulasse, grosse, laide et j’en passe.

C’est dans ces moments que souvent je me dirige aux toilettes et me regarde dans le miroir. Je ne peux pas m’empêcher, je dois tout faire ressortir. Je pleure. Je m’agenouille devant les toilettes puis le bordel commence.

Je me sens mieux et je vais me coucher pour oublier cet épisode. Je me dis que demain je vais tout arrêter et reprendre l’entraînement sérieusement.

Évidemment, ça ne fonctionne pas comme ça.

Certains soirs, je réussis à tout garder en dedans. Je suis consciente des dangers qu’apportent de tels gestes.

Ces soirs où je réussis à ne pas me diriger aux toilettes sont horribles et pénibles. Mon cerveau cesse de fonctionner et ne fait que penser à la prise de poids et à tout ce que j’ai pu ingérer cette journée-là.

C’est la fin du monde autour de moi.

La roue continue de tourner le lendemain. Je saute parfois le déjeuner et le dîner pour minimiser mes calories afin de compenser pour les centaines et parfois les milliers que j’ai ingéré la veille.

Je rêve du jour où je serai enfin bien dans ma peau.

Du jour où je ne me préoccuperai plus de mon poids. Du jour où ce chiffre insignifiant sur la balance ne veuille plus rien dire pour moi. Du jour où je pourrai savourer cette bonne poutine sans culpabilité et sans pleurer. Du jour où je serai plus forte que ces troubles alimentaires.

Certains jours, c’est pénible et très lourd de gérer cette maladie. Elle me pourrie l’existence !

Je me sens souvent très seule face à cette situation. C’est un côté dont je ne parle jamais ou très rarement.

Je continue mon combat un jour à la fois.

Je termine ce texte par une citation de Marilyn Monroe que j’apprécie spécialement : « À toutes les femmes qui croient qu’elles sont laides parce qu’elles ne font pas la taille « 0 », vous êtes belles. C’est la société qui est laide ! »

À toutes les femmes et les hommes qui livrent une bataille contre ces troubles alimentaires, n’oubliez pas que nous sommes plus importants qu’un simple chiffre sur une balance.


Pour de plus amples renseignements sur les troubles alimentaires, nous vous invitons à consulter le site de ANEB Québec.

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