Il est sournois et attaque à tout moment.
Il dort bien profondément en moi et quand il s’anime il détruit tout sur son passage.
Il arrive sans prévenir et les dégâts qu’il cause sont effroyables par moment.
Tantôt heureux, tantôt euphorique, tantôt suicidaire. Il n’est pas très stable. Il n’aime pas la stabilité mon monstre à moi.
Il me donne mal au cœur par moment.
Ces temps-ci, depuis près de trois mois, mon monstre ne veut pas me donner un break de toutes ces émotions.
J’ai envie de lui dire : « Hey buddy. On va s’parler dans l’blanc des yeux. J’te le demande en te suppliant : crisse moé la paix. Juste un peu stp ? Donne-nous la chance, à toi pis moi d’aller un peu mieux. Veux-tu stp te rendormir pis t’calmer ? »
Ça ben l’air que ça fonctionne pas comme ça. Ça marche pas !
Je lui ai trouvé un nom au monstre. Mon psychiatre et moi on a essayé ben fort de le nommer. On en est venu à le nommer le « bipolaire » ou si vous préférez le « maniaco-dépressif ».
C’est ben complexe les monstres intérieurs. Ben ben complexe ces affaires-là.
Ce que je vois dans mon miroir, j’trouve ça laid, j’trouve ça faible, j’trouve ça étourdissant.
La p’tite voix de mon monstre intérieur est puissante parfois; elle n’arrête jamais, elle ne prend jamais de pause.
Je peux me réveiller en superwoman pleine de motivation et de détermination et me coucher en tas d’marde en me demandant si y’a pas une p’tite place en haut sur un nuage à l’abri des tempêtes.
Ce qui est drôle avec mon monstre c’est que peu importe l’état d’âme que j’ai, aussi violent soit-il, j’peux le camoufler.
J’ai juste à lui mettre un peu de maquillage, quelques beaux vêtements et un p’tit sourire. Et vlan! Le tour est joué.
J’trouve ça ben tough, particulièrement ces jours-ci.
Habituellement, quand mon monstre se pointe je lui laisse quelques semaines. Après il s’en va tout seul.
Sauf que là y’a l’air ben. Y’a pas l’air de vouloir crisser son camp. Y’a l’air installé pour longtemps.
Ces temps-ci, il joue aux montagnes russes pis c’est heavy en osti !
Je veux lui dire merci un peu quand même de me laisser respirer le temps d’une journée. Le temps de quelques heures parfois.
Je vois une petite lueur d’espoir en l’espace de quelques heures, ça dure pas longtemps, mais je le savoure quand y m’donne un break.
Pendant quelques heures, j’me vois plus au bout d’une corde. Ça fait du bien !
Pis après, ça recommence.
Mais c’est correct, je vais l’apprivoiser. On va finir par s’entendre lui pis moi. On va s’aimer pis on va se comprendre un jour.
La plupart des textes se termine toujours par une note positive et joyeuse en expliquant qu’on a enfin trouvé la recette gagnante, l’équilibre, la paix intérieure.
Je ne suis pas rendue là.
J’apprivoise mon monstre avec toutes ses laideurs.
La route de la « guérison » (si on peut l’appeler comme ça, parce qu’on ne guérit jamais vraiment de ça) commence pour ma part et je sais qu’elle sera très longue et ô combien difficile.
Parfois, je dirais même souvent, je me questionne à savoir si ça vaut la peine de me battre si fort.
Le fameux : « Pourquoi moi ?! » est assez intense dans mon cas et reste sans réponse.
Faut pas trop que j’y pense sinon la roue s’enclenche et les idées noires m’emportent.
Quand ce monstre décide de se pointer le bout du nez et de semer la terreur en moi, il casse tout sur son passage, me laissant seule, vide et d’une fragilité si intense que je n’y trouve aucun espoir.
Vous me demanderiez comment je réussis à me relever à tous les jours ? Je vous répondrai, en essuyant les larmes qui coulent sur mon visage, que j’en ai aucune idée.
Je me relève c’est tout.
En traînant cette souffrance de minute en minute.
Je me relève pour mon chum qui, malgré tout, continue de rester à mes côtés de semaine en semaine.
Je me relève pour mes parents et mon frère qui, malgré mon absence, malgré ma distance, continuent d’être là pour moi coûte que coûte et qui essaient de leur mieux de comprendre ce qui se passe en moi.
Je me relève aussi pour mes amies qui sont derrière moi et qui me soulèvent durant les jours plus difficiles.
J’ouvre une parenthèse pour vous remercier à vous tous qui êtes là encore et qui, malgré mes états d’âmes incomparables, restez à mes côtés sans jugement.
Ça fait toute la différence.
Je me relève très lentement.
Je sais au plus profond de moi que je vaux la peine et que je dois me battre pour moi.
Je continue d’avancer même quand je n’y comprend plus rien. Ça ne va pas aussi vite que je le voudrais.
J’aimerais ça que mon monstre soit domptable, qu’à la première pilule tout soit magique.
Je sais que ça ne fonctionne pas ainsi.
Je vais continuer à me battre, même accroupie au sol, pour moi, pour mon chum, pour ma famille, pour mes amies pis pour mon monstre.
Pour que lui aussi trouve un équilibre.
Je vais continuer mes thérapies et je vais continuer de me pointer à mes rendez-vous même si parfois je ne vois pas le bout.
Ça finira par arriver, je le sais, j’y crois par moment à la lumière au bout du tunnel.
J’ai droit au bonheur. J’ai droit à l’équilibre. J’ai droit à une vie normale.
Faut que je me l’répète : un pas à la fois, une étape à la fois, une heure à la fois Lydia.
Mon monstre pis moi on va s’en sortir un jour à la fois.