La vie nous réserve parfois de ces surprises! Les problèmes de santé mentale ne sont-ils pas, pour bien des personnes, le signal de détresse d’une vie qui ne trouve pas son sens? Un cri d’alarme de cet être profond qui est le nôtre et qui trop souvent nous est étranger.
Un problème qui fait mal
Transportez-vous un court instant dans un vaste jardin de tulipes jaunes, entouré d’une haie de cèdre d’un beau vert tendre; ou encore imaginez-vous en train de cueillir une majestueuse fleur de pivoine rose, tout expressive dans sa forme, dans sa couleur, dans son odeur. Et l’on pourrait multiplier ainsi à l’infini les images colorées de nos richesses intérieures!
Il peut arriver par contre, à chacun d’entre nous, de rencontrer de ces situations qui donnent l’impression d’avoir perdu ce riche potentiel, comme si on nous l’avait enlevé ou même volé. Le sentiment de notre valeur propre semble alors complètement disparaître. Une sorte de défaillance qui nous prive de tous nos moyens. Le cri d’un enfant désespéré résonne en nous. Notre plante a soif.
Dépression, maladie bipolaire, burn out, problème de santé mentale sont les mots savants d’aujourd’hui pour décrire cet état.
Un trop plein de préjugés
La maladie mentale est de plus en plus perçue comme une réalité bien humaine et très respectable. Oui! mais en autant que c’est pour les autres et pas un membre de la famille. S’ajoutent alors à notre malaise intérieur, les mauvaises herbes de la honte, de la culpabilité, de la perte de dignité que nous fait vivre cette condition.
Rappelons-nous, il n’y a pas si longtemps, maladie mentale signifiait folie, démence, délire, internement. Les nouveaux discours font passer de l’asile à la communauté les personnes aux prises avec un problème de santé mentale en souhaitant leur accorder une place plus grande dans la société. En est-il ainsi réellement?
Les préjugés sont bien ancrés dans nos mentalités. Ils affligent autant les personnes qui vivent le problème, que les proches et leur entourage.
A qui la faute?
En sommes-nous responsables? Il est possible d’en discourir longuement. On peut mettre le blâme sur la famille, l’hérédité, l’éducation, les voisins, la société, la température… Tout peut y passer. Il n’en demeure pas moins que la souffrance et la désorganisation sont là et nous avons à les assumer et à y faire face.
On se sent dévalorisé, étranger à soi-même, seul au monde, rejeté et exclu de cette société basée sur l’image, la performance et la production. Non seulement, la quête de sens n’a pas sa place, mais en plus elle est perçue comme dérangeante.
Vouloir en finir avec la vie est souvent la première étape pour se débarrasser de ce malaise qui fait trop mal. Le désespoir nous contamine de partout. Plutôt disparaître que de reconnaître ce qui nous arrive.
Se donner le droit d’exister
«Ca va mal! J’peux-tu avoir le droit d’aller mal?» ai-je répondu un jour à un proche qui s’informait, de moi et qui aurait bien aimé entendre «ça va mieux». Sans m’en rendre compte, je venais de me donner un nouvel espace de liberté qui me donnait le droit d’exister dans mon problème de santé mentale, de me reconnaître une valeur au présent. L’affirmation de ce premier droit allait me donner la force de reprendre goût à la vie dans mes fragilités.
Tant et aussi longtemps que l’on refuse d’admettre cette vulnérabilité, subtilement, rapidement et habilement, on rechute, incapable de maîtriser la situation.
Cueillir les brindilles de positif
Les impossibles raccourcis conduisent nulle part. On ne tire pas sur une fleur pour qu’elle pousse. Les vrais changements en profondeur sont longs et difficiles.
Il y a un rythme à respecter, même s’il se traduit parfois par des états d’âme très incohérents de prime abord, comme l’enfant qui trébuche quand il fait ses premiers pas. Trop souvent, on se centre sur le résultat immédiat, et on en oublie la nécessité du «petit-pas après petit-pas» à contre-courant de l’achat immédiat par catalogue.
Prendre et se donner le temps, s’accepter en toute humilité, se reconnaître le droit d’exister, cueillir les brindilles de positif, se faire allié de ses fragilités plutôt que de les fuir et les combattre, sont autant d’attitudes de base indispensables pour se donner les prédispositions nécessaires à écouter ce que la Vie a à nous révéler de cette expérience.
Toute activité qui fait appel à nos capacités, si minime soit-elle, ne serait-ce, dans un premier temps, que pour s’occuper l’esprit, est un moyen pour nous aider à retrouver confiance et développer une nouvelle harmonie avec soi-même. Travaux manuels, lectures, exercices physiques, créations de toutes sortes, relations avec d’autres sont autant d’outils à sa disposition pour favoriser l’émergence de son potentiel, s’aider à grandir, en mettant la performance à l’écart.
L’écriture également peut être un excellent moyen d’apprivoiser ses différents états d’âme et se donner l’opportunité de les partager. Notre souffrance, au fond, est collective alors que nous nous sentons si solitaires et marginaux.
L’autre indispensable
Dans ces circonstances, la présence gratuite de l’autre est indispensable. Les besoins d’Accueil et d’Amour s’écrivent avec un « A » majuscule.
Pour reprendre vie au coeur de ses fragilités, nous avons besoin de cet autre qui nous respecte, qui croit en nous plus que nous-mêmes, qui nous aime inconditionnellement tel que nous sommes et qui souhaite tout simplement nous voir heureux dans notre peau. Il peut être un parent, un ami, un voisin, un confrère, peu importe.
«Juste un sourire, facile à faire, pour un peu plus d’amour que d’ordinaire», nous dit Francis Cabrel dans sa chanson «Il faudrait leur dire». Le sourire d’un coeur d’enfant qui vient nous faire sentir le nôtre.
Cet autre peut être également au coeur d’organismes communautaires. Plusieurs de ces lieux, même sans en avoir l’étiquette, sont de vrais petits centres de « professionnel-e-s au quotidien » de la santé mentale. Ouverts et accueillants, ils offrent la possibilité de rencontrer d’autres personnes, d’échanger, de s’entraider.
En confiant des responsabilités, ils contribuent à aider ceux qui participent à l’organisation et aux activités, à se sentir utile, à mettre leurs talents en valeur et à prendre une place nouvelle parmi les autres, dans la société. Un support plus que précieux pour se prendre en main.
Et la fête fût dans ma tête
Jean-Pierre Ferland nous le dit à sa manière dans sa chanson «Le petit roi»: «Puis il vint un vent de débauche qui faucha le roi, sous mon toit; et la fête fût dans ma tête comme un champ de blé, un ciel de mai… Eh! boule de gomme serais-tu devenu un homme».
Dans la mouvance de cette nouvelle vie qui naît en nous, les problèmes de santé mentale prennent alors une tout autre perspective. L’expérience nous interpelle à une vérité beaucoup plus profonde en nous-mêmes qui nous ramène à l’essence de notre être. Une belle occasion d’apprendre à mieux se connaître, s’aimer davantage et découvrir sa beauté intérieure. De l’expérience de douleur émerge l’inespéré… de manière inattendue.
De nouveaux horizons s’éveillent au jour le jour. Le jardin devient « botanique »!